Vieux Fourneau : les questions politiques
Comment rendre l’eau du ruisseau de Vieux Fourneau plus propre et vivante?
Que font les autorités locales et régionales pour protéger cet endroit ?
Le 11 mars dernier, le Conseil Nature a organisé une rencontre autour du ruisseau de Vieux Fourneau, sur la commune de Ferrières. Quatre-vingt personnes étaient présentes et ont exprimé leurs questions autour du site.
- Visitez notre article de blog pour en savoir plus sur l’événement lui-même, ou admirez le diaporama de photos splendides ici.
Le principal problème relevé est celui de la qualité de l’eau : elle n’est pas toujours propre, comme l’ont constaté des riverains. La biodiversité n’est-elle pas menacée ? Le ruisseau est-il bien protégé ? Des analyses d’eau sont-elles effectuées ? A qui s’adresser si on constate une pollution ?
Photo prise par un randonneur en printemps 2023 de « l’eau blanche » dans le ruisseau de Vieux Fourneau.
Localisation
Ruisseau de Vieux Fourneau, alimenté par le ruisseau de Wésomont, et affluent de l’Aisne. Il traverse les communes de Ferrières, Manhay, et Durbuy. Référence OU25R dans le site de la région wallonne eau.wallonie.be
Historique
Le Conseil Nature a récolté une série d’informations autour du ruisseau.
L’eau du ruisseau est polluée de manière récurrente depuis au moins 2002, du fait de sa connexion avec le ruisseau de Wésomont, au niveau du village de Burnontige.
- Première source de pollution : le zoning industriel de Werbomont établi dans les années 90 sur une zone de sources (dont les deux sources du ruisseau de Wésomont)
- Deuxième source de pollution : le bassin d’orage routier, par lequel transitent les eaux usées du zoning
- Troisième source de pollution : les eaux usées des particuliers et d’agriculture
- Quatrième source de pollution : le camping à Grand Bru – avec une pollution importante en 2018/19
Le Conseil Nature s’intéresse dans un premier temps principalement aux deux premières sources.
Le zoning de Werbomont
D’après un dossier juridique auquel le Conseil Nature a eu accès, des industries sont historiquement responsables de la pollution du ruisseau, la principale étant une fromagerie qui a fait l’objet de plaintes de la commune de Ferrières, notamment en 2002/06, 2017, 2018 et 2019. Chaque entreprise est censée avoir une station d’épuration, qui est censée elle aussi être contrôlée tous les 10 ans. Un bassin d’orage équipe le site, qui regroupe aussi les eaux usées des habitants de Werbomont. Erratum: Il n’y a pas de réseau d’égouttage à Werbomont. Donc le bassin d’orage du zoning ne regroupe pas les eaux usées des habitants.
Le bassin d’orage routier
Le bassin d’orage du zoning est connecté ensuite à un bassin d’orage routier, d’une contenance de
15 000 m³, établi de l’autre côté de l’autoroute E25, pour récolter les eaux de ruissellement de l’autoroute. Les deux sources du Wesomont se trouvent également derrière ce barrage. Puis les eaux sont rejetées dans le ruisseau de Wésomont.
Ce bassin est la source d’une pollution récurrente, avec des boues contenant des hydrocarbures, des métaux lourds et des graisses – sans parler des eaux usées du zoning. Ce bassin n’aurait jamais été correctement entretenu depuis sa création il y a 40 ans (source : journal Le Condroz, 12/9/2006).
En 2006, la Région wallonne (le MET, ministère wallon de l’équipement et des transports, qui entre-temps a été englobé dans le Service Public de Wallonie – SPW) avait commencé un curage des boues en les étalant autour du bassin et en les rejetant directement dans le ruisseau de Wésomont. Suite à une plainte du Département de la Nature et des Forêts (DNF), les travaux se sont arrêtés – car ils étaient non conformes. Et plus rien n’a été entrepris ultérieurement. Le bassin reste donc envasé et, en cas de fortes pluies, il déborde et les boues polluées se rejettent dans le ruisseau de Wésomont.
Mesurer la qualité de l’eau
Au niveau régional, l’analyse se fait juste avant la confluence avec l’Aisne. Mais elle n’est ni régulière, ni fréquente. La dernière analyse date de 2013 et elle révèle une bonne qualité écologique (voir : eau.wallonie.be/fme/ou25r.pdf). Comme ces analyses ne sont pas régulières, cela ne préjuge en rien de la qualité actuelle de l’eau. Il n’y a pas non plus d’analyses plus spécifiques du fait qu’une partie du ruisseau est située dans une zone Natura 2000 (Basse vallée de l’Aisne).
Les communes sont responsables au niveau local, mais n’agissent que dans l’urgence (par exemple, intoxications dans un camp scout situé le long d’un cours d’eau).
Une indication possible de la qualité de l’eau est l’indice biotique, une analyse basée sur la présence de micro-organismes, sensibles à la pollution. Elle peut être réalisée par tout un chacun, au moyen d’un équipement facile à utiliser. (Le Conseil Nature lancera prochainement un projet de ce type. Vous pouvez consulter une courte proposition ici. Plus de détails suivront bientôt.)
Des solutions ?
Dans le cadre de la prévention des inondations, une piste structurelle et permanente serait d’établir une zone tampon et un barrage naturel. Cela aurait aussi un impact bénéfique sur la qualité de l’eau. Une étude est en cours à la région wallonne.
Et puis, la nature elle-même est une précieuse alliée, sous la forme … des castors, présents sur le site. Leurs barrages filtrent l’eau, comme l’ont expliqué les représentants de Natagora, présents lors de notre événement du 11 mars. Voilà une part de solution déjà existante et gratuite.
Le Conseil Nature interpelle les autorités
On le voit, en cas de pollution ou de menace sur la biodiversité, les interpellations sont complexes, car il y a plusieurs intervenants. Le Conseil Nature a interpellé deux des acteurs principaux :
- La commune de Ferrières, qui s’est déjà montrée active dans les années précédentes, par le dépôt de plaintes au niveau du zoning de Werbomont (Questions : Quel est l’état des stations d’épuration et du bassin d’orage du zoning ? Un contrôle est-il prévu ?)
- Le Département de la Nature et des Forêts (DNF), qui contrôle le respect des politiques et réglementations régionales, en matière de conservation de la nature. (Questions : Qu’est-il prévu pour nettoyer le bassin d’orage du zoning/de l’autoroute ? Qu’en est-il de l’établissement d’une zone tampon et d’un barrage naturel ?)
Nous vous tiendrons au courant.
En attendant, si vous constatez une eau trouble, blanchâtre… dans le ruisseau, n’hésitez pas à nous en envoyer une photo (avec date et lieu précis).
Vous pouvez vous-même aussi appeler la police d’environnement :
tel. 1718.
4 commentaires
Bonjour, excellente analyse sur le ruisseau du Vieux Fourneau.
J’ajoute un élément d’importance : chaque année de nombreux camps de jeunes s’installent tout le long de la section Villers > confluent de l’Aisne, avec des impacts interpellants dont la construction de barrages (parfois énormes, dont un de plus d’un mètre de haut, fait de barrières métalliques et de bâches, provoquant une retenue d’eau d’une centaine de mètres). En 2019, j’ai relevé et démonté 23 barrages sur cette section. Contacté, le DNF dit faire ce qu’il peut. En 2019 également, j’ai rencontré sur site l’échevin Durbuysien en charge et lui ai fait part de la nécessité de ne plus autoriser de camps à proximité du ruisseau et de les « remonter » sur le plateau de Villers. Selon mes sources, le Bourgmestre aurait refusé de suivre l’échevin désireux de limiter les camps à cet endroit.
J’effectuerai, comme chaque année, un prochain constat fin août.
jacques Ninane
16 07 2023
Nous vous sommes reconnaissants de vous préoccuper du ruisseau de Vieux Fourneau et de vous inquiéter de cet état de choses : entraver le cours d’une rivière et y laisser des déchets est strictement interdit et tout à fait contraire aux valeurs scoutes. La commune et le DNF (agent de la pêche, bassin de l’Ourthe) sont en effet les interlocuteurs à interpeller.
Une autre piste à explorer pourrait être celle des propriétaires qui donnent les terrains en location. Une expérience nous a été rapportée concernant l’inclusion, dans le contrat de location, d’une clause rendant la fédération (dont relève le groupe – scouts ou patro) conjointement responsable de tout manquement du locataire à ses obligations. C’est un fameux levier de pression.
Il existe également, dans de nombreuses communes, une personne désignée pour aider les scouts à installer leur camp, à les informer des adresses locales utiles et à respecter la réglementation. Le Contrat Rivière Ourthe a publié en 2020, à l’attention des camps de jeunes, un guide des bonnes pratiques en bord de cours d’eau : https://www.cr-ourthe.be/wp-content/uploads/2021/02/cdj2020_fr.pdf
Bonjour.
Dans votre texte je lit:
c’est faux, il n’y a pas de reseau d’eaux
usées à werbomont ! On est à werbomont comme ailleurs en
et seule les nouvelles habitations sont obligées d’installer des stations d’épurations.
Quant aux bassins de décantation: il sont nombreux le long des autoroutes et tous dans le même état.
Le problème de l’eau est politique et c’est déjà trop tard ; Ecolo Ferrières s’est battu pendant 20 années…
Cordialement
Suite à votre remarque concernant les eaux usées de Werbomont, nous avons vérifié nos informations et corrigé notre erreur : il n’y a en effet pas de réseau d’égouttage pour les particuliers à Werbomont, qui pourrait être connecté au bassin d’orage du zoning. Nous vous remercions pour votre vigilance. Pour ce qui est du bassin d’orage autoroutier, nous déplorons comme vous l’état d’abandon du site depuis de nombreuses années. Et nous sommes sur le point d’adresser un nouveau courrier à la SOFICO, qui est en charge de l’ouvrage et de son entretien.