Jardins vivants à Palenge : après la visite
9 septembre 2023 : La journée en mots et en images
« Se mettre à la place de la nature fait changer le regard que l’on porte sur son jardin. C’est ce que cette journée m’a apporté »
Pour cette deuxième « rencontre nature », nous avions rendez-vous dans un vaste jardin légèrement vallonné, traversé de larges chemins tondus en alternance avec des espaces poussant librement pendant toute l’année, et fauchage une fois l’an. De-ci de-là et à la limite du terrain : des arbres et arbustes indigènes (hêtres, aulnes, bouleaux, aubépines, prunelliers…) et des arbres fruitiers (pommiers, poiriers, cerisiers..). Il fait 30°, l’ombre généreusement dispensée accueille les visiteurs. Ils sont plus de cinquante : notre invitation a, à nouveau, reçu une belle réponse.
Gisèle nous invite à entrer dans « son jardin labyrinthique, avec ses chemins qui tournent et contournent ». Et nous voilà partis pour notre tournée de jardins vivants.
Dans le deuxième jardin, mouchoir de poche au centre du village, nous serons surpris par la richesse et la variété de plantes sauvages aux vertus insoupçonnées. Nous repartirons rafraîchis par des préparations aux senteurs subtiles et riches de graines à semer. La troisième étape est une prairie, attenante à un jardin et en quête d’une affectation durable et respectueuse de la terre, comme un verger par exemple.
Guides intervenants :
- Nicolas de Brabandère, fondateur de Urban Forests
- Jean Fassotte, praticien du jardin et du potager, bénévole auprès de Natagora, conservateur de la réserve des Glawans (Durbuy)
- Lothar Boeykens, spécialiste des forêts comestibles
- Fabienne Monville, qui partagera ses recettes à base des plantes sauvages de son jardin
- Alastair Penny, conseiller en biodiversité pour les espaces verts.
Trois jardins différents ont offert trois visions différentes de la façon dont nous
pouvons partager notre environnement avec des créatures vivantes.
Chaque jardin illustre les multiples moyens d’accueillir la biodiversité, quels que soient le terrain, la superficie, la nature du sol, l’orientation. Et les visiteurs glanent informations, conseils et recommandations, tout en partageant entre eux leurs expériences vécues.
Morceaux choisis :
- Les herbes, les haies, les arbres sont des refuges pour les oiseaux, les petits animaux, les insectes. Ensemble, ils accueillent la vie au jardin. Ils rythment l’espace et lui apportent une musique particulière.
- Il faut observer son jardin, pour comprendre ce qui en fera un havre de biodiversité ; ne pas se battre contre lui, mais avec lui. Il n’y a aucune honte à être un jardinier paresseux, qui se facilite le travail d’entretien.
- Les périodes de sécheresse de plus en plus récurrentes entraînent des changements de concept : ainsi, on observe que des arbres fruitiers plantés au fond d’un vallon bénéficient d’une réserve d’humidité qui leur est bénéfique, alors qu’auparavant on aurait déconseillé cette position.
- Il est important de s’ancrer dans son territoire propre et de privilégier les espèces indigènes. Les plantes ne réagissent pas si différemment de nous : que diriez-vous si vous étiez brutalement propulsé au centre de la Chine ?
- Contrairement à ce que l’on pourrait croire, un sol pauvre accueille plus de biodiversité et de variétés de fleurs par exemple qu’un sol riche, nourri d’engrais et en voie d’eutrophisation (cela favorise la croissance excessive de quelques espèces, au détriment des autres).
- L’idée d’une forêt comestible allie la plantation d’essences (hêtres, chênes, bouleaux…) constituant un écosystème fort avec la plantation d’arbres et arbustes à fruits, tels des pommiers, des pêchers, des cassis, des groseilliers. Les plantes, les racines (il existe des carottes vivaces), les champignons, les feuilles (le tilleul est parfois appelé l’arbre à salade) s’ajoutent à ce cortège comestible.
- La création d’un verger demandera de l’énergie, car – plus qu’auparavant – il faudra l’arroser (surtout au départ) et entretenir le sol entre les arbres. Pour des parcelles étendues, l’entretien peut se faire par pâturage de moutons, dont le nombre et la période de pâturage doivent être bien calibrés en fonction de la surface du terrain.
- Un jardin de village recèle des trésors insoupçonnés d’herbes sauvages, entrant dans la confection de salades, de tartes ou de boissons : sous leurs airs anodins, le lierre terrestre, l’égopode, l’alliaire sont de merveilleux complices culinaires.
Du geste au conte
Peter explique les différentes lames de la faux.
La journée se poursuit avec une démonstration de fauchage par Peter de Schepper (Le Pic Vert, Heyd) : conduite de la faux au ras du sol, aiguisage, battage. Un geste large et souple, fruit d’un patient apprentissage.
A dix mètres, c’est Paul Fauconnier qui nous régale de ses contes, dont « Douce Nuit » où Marie et Jean s’extasient sur l’immense quiétude du jardin, tandis le petit peuple de l’herbe et de l’eau s’entredévore dans un combat pour la vie : qui mangera ou sera mangé ?
Et un peu plus loin, se développe un chantier de questions autour du thème « Se relier à la nature » : c’est Brigitte Vanopdenbosch, guide nature, qui recueille les diverses interrogations : comment inciter à créer des jardins vivants ? Comment se constituer un jardin nourricier ? Comment former un maillage de jardins ? Quels arbres sont résistants à la sécheresse ? etc.
Tout au long de l’après-midi, le stand de Murielle Alpen (« Sous le pommier », Hampteau) connaît une belle affluence, avec ses boissons fraîches, sirops et préparations végétales.
La force du « local »
En clôture, c’est une rencontre-échange qui rassemble tous les visiteurs : Comment créer ensemble un réseau local favorisant la biodiversité et la convivialité ?
Nina Klein rappelle les grands axes du Conseil Nature, dont l’action s’inscrit dans la ligne du pacte vert européen et plus particulièrement de la loi nature, qui vise à protéger 20% de la nature dans la prochaine décennie. Elle rappelle aussi qu’en Belgique, les communes disposent d’un grand pouvoir d’autonomie (bien plus qu’en France, par exemple) : en matière environnementale notamment, elles peuvent prendre des mesures spécifiques plus strictes.
La rencontre-échange a retenu l’attention
de tous et toutes jusqu’à la fin.
Jean Fassotte apporte une note d’optimisme en insistant sur le rôle moteur de l’Europe, dont la pression pour la transition est indéniable et se traduit par des subsides importants. Il souligne aussi le fait que la Wallonie compte un nombre important d’agriculteurs bio, ce dont elle peut être fière.
L’un d’entre eux est présent, Sébastien Lens, agriculteur du village d’Oneux et membre de Terraé (projet qui promeut l’agroécologie). Il raconte comment il a abandonné les pulvérisations de ses champs et planté des kilomètres de haies. Mais dit aussi son inquiétude quant à la pérennité de l’entreprise : pour les terres qu’il loue, il est à la merci de la volonté d’un propriétaire de revendre au plus offrant. Dans ce contexte, les circuits courts de vente des produits sont de formidables alliés. Comme pourraient l’être aussi des actions locales de crowdfunding, avec Terre-en-Vue par exemple ?
Une visiteuse nous a confié :
« Se mettre à la place de la nature fait changer le regard que l’on porte
sur son jardin. C’est ce que cette journée m’a apporté »
La journée a été racontée ici par Anne-Marie de Coster; les photos ont été prises par Didier Valentiny et Nina Klein.
Nous tenons à remercier les propriétaires des jardins qui nous ont accueillis : Gisèle, Fabienne, Katty et Eddy, ainsi que les intervenants : jardinier, agriculteur, créateurs de forêts, faucheur, conteur, qui nous ont accompagnés lors de cette journée. Tous nos remerciements aussi à ceux et celles qui nous ont prêté main forte pour les tâches pratiques, ainsi qu’à la commune de Durbuy qui nous a soutenus dans le cadre d’un projet BiodiverCité.